Canopée - par Noë

Publié le par Noë






Vert. Arborescence. Force calme. Colosses immuables.

 

Goutte à goutte. Temps. Silence.

 

Vie. Nature.

 

Sérénité.

 

C’est ici que je vis. Les palétuviers m’accueillent dans leurs immenses branches. Entremêlées, virevoltantes, stables et solides ou fines et ployables, elles accueillent mes petits coins secrets. Ici, un hamac de liane se balance dans le vide. Là, un nid douillet se niche à la rencontre de trois ramures emmêlées, pudiquement caché aux regards d’un voile de feuilles. Le vent en passant fait chanter cette tenture vivante.

Ni cuisine, ni salle à manger, ni salle de bain. La Nature se suffit à elle-même.

Les immenses feuilles des arbres tropicaux retiennent la pluie en bassins flottants. Des gouttes perlent en permanence des pointes. Parfois, ce sont de véritables petites cascades qui surgissent de nulle part. Attirées par le sol, par la Terre, elles fendent l’air en une douce mélodie.

 

Oiseau funambule, je marche sur le vide. Je cours sur des rameaux plus fins que mes pieds. Ils ploient, me déposent sur une branche inférieure. Je saute. Saisi une branche. Me hisse à l’étage supérieur. Continue mon ascension. Facilement. Agilement. Sans aucune crainte. Une liane par ici. Une branche par là. Mes pieds s’assurent avec aisance sur le moindre support. Les arbres sont là. Les arbres sont mes amis. Ils me soutiennent, me hissent, me rattrapent. Avec eux je ne risque rien.

 

La lumière tamisée de la canopée s’éclaire petit à petit. Les feuilles deviennent translucides sous l’effet du proche soleil. Elles offrent le merveilleux détail de leur peau si diaphane et si fine, de leurs nervures, géométriques sans l’être.

 

Les oiseaux s’envolent dans l’immensité du ciel. J’émerge. Un océan de verdure m’attend. Prairies immenses, invitation à la course. De nombreux animaux paissent ici. D’autres chassent. Pas de couvert, pas de cachette. La plupart des bêtes sont incapables de repasser sous la cime des arbres comme moi. Cette seconde surface terrestre est la seule qu’ils connaissent.

 

Je retourne sous le couvert protecteur des dernières couches de feuilles. Le soleil là-haut est bien trop vivace pour moi. Mes yeux ne semblent pouvoir supporter que la vision du vert. Mais il faut bien manger. Les fruits des arbres ne se développent qu’en surface.

 

Ce sera pour une autre fois. Je n’ai pas faim.

 

Sous mes pieds qui se balancent, des dizaines de mètres, parfois jusqu’à la centaine.

 

 Je me laisse tomber de ma branche.

 

Sensation grisante : l’espace de quelques instants, j’ai l’impression de voler.

 

Les feuilles des arbres se courbent pour ralentir ma chute. Des lianes apparaissent, poussées par le vent. J’en saisi une. Me laisse tomber de nouveau quelques mètres plus loin. Effectue une pirouette autour d’une branche. Atterrit sur une autre quelques mètres plus bas.

 

Mon coin secret n’est plus très loin. J’écarte le rideau de feuille. Mon petit nid est là. Rond. Douillet. Je m’y pelotonne. Regarde les gouttes tomber des feuilles. Une à une.




Publié dans Elevtherya

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