Vivre son rêve

Publié le par Meuble

D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Ou, pour les non schizophrènes, d’où viens-je ? Où vais-je ? Telles sont les questions existentielles que tout le monde se pose un jour ou l’autre. Ou du moins, si ce n’était pas déjà fait, maintenant si.

 

Concrètement, on pourrait répondre, par exemple, « je viens du couloir », et « je vais y retourner dans pas longtemps », parce que pour entrer et sortir du salon, il faut forcément passer par le couloir. Notamment pour accéder à la cuisine. Parce que manger, en général, c’est une bonne idée pour survivre.

 

Existentiellement, les réponses ne sont pas aussi simples. Combien se sont ainsi heurtés aux brumeux murs du mystère de nos origines ? Avant l’humain, qu’y avait-il ? Avant la Terre ? Au commencement ?

 

Au commencement, il n’y avait rien.

 

Enfin, rien... Si, au commencement, il y avait quelque chose. Sinon ça n’aurait pas commencé. Ça aurait continué. Parce que le commencement, c’est le début de quelque chose. Ou plutôt de toute chose. Mais faut bien commencer par quelque chose. Alors finalement, le commencement, c’est le début de quelque chose. Donc, au commencement il y avait bien quelque chose. Ce qui suppose que... avant le commencement ?

 

Avant le commencement, il n’y avait rien. Mais comme il n’y avait rien, on ne le savait pas. Ça, on l’a déduit après le commencement. Parce que le commencement, c’est le début de quelque chose. Ou plutôt de toute chose. Donc avant, forcément, il n’y avait rien. Alors, on pourrait se demander, « oui, mais rien, c’est quoi ? ». Ben, rien, c’est rien, quoi. Nada. Que dalle. Même pas un poil de petite poussière de quelque chose. Comme une grande pièce vide. Sans murs. Sans lumière. Et sans chauffage. La zone, quoi.

 

D’ailleurs, on se demande bien pourquoi quelque chose est venu dans ce rien. Pas grand-chose à y faire, par là-bas, hein... En fait, le seul truc à y faire, c’est... rien. Mais alors, pourrait-on se demander aussi, « oui, admettons que quelque chose ait envie de rien faire, il viendrait le faire ici. C’est quand même le meilleur endroit pour ça. Bon. Mais alors, ce quelque chose, il est arrivé quand ? ». Ah, bonne question. Merci de l’avoir posée. Malheureusement je n’ai pas la réponse. Personnellement, je suis allé faire un tour là-bas, mais y avait déjà rien. Alors, allez mesurer le temps qui passe quand y a même pas un cadran solaire qui traîne... Et puis, quand on n’a rien à faire, le temps passe plus lentement.

 

Donc, avant le commencement, il n’y avait rien. Pendant un temps relativement relatif. Ça a pu durer un bus quart de seconde comme une éternité. En même temps, vu qu’il n’y avait rien, savoir combien de temps a duré ce rien, franchement, ça n’apporte rien. Ce qui est intéressant, c’est de savoir pourquoi et comment il y a soudainement eu quelque chose. Depuis ce cher Lavoisier, on sait bien que pour avoir quelque chose, il faut déjà quelque chose. D’où la conclusion logique : tout ce qui existe dans l’univers aujourd’hui a toujours existé. Alors comment peut-il à la fois y avoir toujours eu quelque chose, et n’y avoir rien eu avant ce quelque chose ?

 

Hé bien, la solution est tellement simple que je m’étonne moi-même d’y avoir pensé. En effet, la seule conclusion logique qu’on puisse tirer de tout ça, c’est que quelque chose, c’est rien. Ou que rien, c’est quelque chose. C’est bien le seul moyen pour que, avant quelque chose, il n’y ait rien, tout en obtenant quelque chose à partir de rien.

 

À partir de là, deux scénarios s’offrent à nous :

-         soit, avant le commencement, il y avait quelque chose, et après le commencement, il y a donc eu quelque chose, à partir de quelque chose. Dans ce cas, qu’y a-t-il eu avant quelque chose ? On ne peut décemment pas imaginer, vous en conviendrez, un processus récursivement cyclique permanent et auto-alimenté, dans cet univers de naissance et de mort, de début et de fin, que nous arpentons. Et puis, au commencement, il y a eu le commencement, pas le continuement.

-         soit, avant le commencement, il n’y avait rien, et après le commencement, il y a donc eu rien, à partir de rien. Dans ce cas, nous ne sommes rien. C’est quand même plus plausible, comme hypothèse, non ?

 

Certes, j’entends déjà des questions qui s’interrogent et des protestations qui protestationnent, osant arguer tout haut « oui, mais alors comment ça se fait que je sois là, moi ? ». C’est là que c’est subtil, et ce qui fait aussi toute la force de la révélation de la présente explication. Nous sommes, d’accord. Mais en même temps, nous ne sommes pas. Tout ce que nous connaissons est immatériel. Sauf que, là où c’est bien fait, c’est que pour nous, ça a l’air bien réel, tangible, palpable. Ce qui témoigne de la puissance de l’imagination. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : nous sommes imaginés. Ou rêvés. Nous sommes une sorte d’image mentale produite par un être que nous ne pouvons percevoir, quelqu’un qui, de notre point de vue, pourrait donc se trouver dans un « univers parallèle ».

 

Cet être est peut-être en train de dormir et rêve d’un monde dont nous sommes les acteurs. Ou bien peut-être lit-il un livre, qui lui fait visualiser notre monde. Peut-être même est-ce un écrivain, qui imagine un roman. Mais moi aussi je suis en train d’écrire. Peut-être suis-je donc imaginé par une sorte d’autre moi-même qui nous imagine tous ! Et moi, là, j’imagine cela, et donne peut-être vie à un autre univers qui n’existe que dans l’imagination d’un auteur ! Peut-être existe-t-il ainsi des multitudes d’univers imaginés par des imaginations ! Mais bon, je m’égare un peu... Bien sûr, je n’ai de certitude que pour notre univers propre.

 

Cependant je vois déjà des bouts de nez pointer, se demandant « comment donc peut-il y avoir des interactions entre nous, individus multiples et détenteurs de libre arbitre, à tout moment et partout dans le monde ? Comment pouvons-nous prendre nous-mêmes des décisions, si nous sommes inventés ? » Là encore, la solution est simple : nous n’avons pas de libre arbitre ! Nous sommes tous des éléments d’une pensée tellement complexe qu’elle fait agir chacun des personnages comme s’ils étaient autonomes ! Mais, réfléchissez : avez-vous déjà pris une décision qui vous appartenait ? Non ! Vous croyez prendre des décisions, mais elles sont toujours fonction d’un contexte, qui est totalement indépendant de vous-mêmes ! Un contexte mis en place, comme le décor, par la pensée globale qui nous donne vie, et regarde évoluer ses personnages sur des routes tortueuses qui, à chaque carrefour, ne présentent qu’une seule issue acceptable. Ainsi nous croyons avoir des choix, mais les différentes options sont présentées de manière  à ce qu’on ne « choisisse » que celle qui avait été décidée pour nous.

 

Là où le système est tout de même magnifiquement orchestré, c’est que, devant le même choix, tout le monde ne prendra pas la même décision, laissant ainsi croire au libre arbitre. Alors que ces choix sont prévus en fonction des différentes personnalités imaginées de notre monde.

 

« Mais nous avons une conscience. Nous sommes conscients de notre existence. Et nous avons des sentiments, des émotions. Nous éprouvons. Comment les personnages d’un rêve, des personnages fictifs, peuvent avoir de tels ressentis ? », allez-vous protester. Et vous aurez raison d’objecter, mais regardez nos propres œuvres, nos propres romans, nos propres films. Les personnages qui les composent sont conscients et ressentent les choses ! Ils ne sont pas conscients de ce qu’ils sont réellement, des personnages, mais néanmoins ont conscience d’être quelque chose, des humains. Et leurs auteurs, ceux qui les ont inventés, leur font ressentir des émotions. Les sentiments qu’ils éprouvent leurs sont dictés, ils ne sont pas les leurs, néanmoins ils les vivent. Comme nous... Une musique ou un film réussissent à nous faire réagir émotionnellement. Ce qui se passe autour de nous n’est rien d’autre qu’une transposition de ces œuvres à une échelle qui, pour nous, est « réelle ». Mais cette œuvre nous fait réagir de la même façon que lorsqu’on regarde un film : encore une fois, c’est le contexte, qui nous est imposé, qui nous fait ressentir quelque chose. Nous ne sommes pas maîtres de ces sentiments. Même un rêve peut nous faire avoir des sensations. Si nous rêvons d’une chute, nous ressentons la chute.

 

Tout cela est donc d’une cohérence parfaite, et c’est peut-être cela qui est le plus effrayant : prendre soudainement conscience que nous sommes rien, que nous n’avons pas de libre arbitre, que notre monde n’est qu’imaginé, rêvé, et qu’aucun indice, aucune preuve n’est disponible pour corroborer la véracité de cette explication ! Libre à vous alors de ne pas me croire. Car voilà donc le dérangeant secret de notre univers : nous sommes apparus à partir de rien. Nous ne sommes rien.

 

Que le produit d’un rêveur... qui un jour se réveillera.

 

Et de nouveau, nous ne serons rien.

Publié dans Pensées en bouquet

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M
<br /> <br /> Hé ben, tant que ça, carrément ^^ ?<br /> <br /> <br /> Merci :) !<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Ca faisait un moment que je n'étais pas venue faire un tour par ici... Toi, tu es mûr pour être (au moins) satrape au collège de pataphysique!<br /> <br /> <br /> <br />
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