D’extra et d’ordinaire

Publié le par Meuble

Les routes se croisent, les chemins s’entrecroisent, à travers le temps, dansent. Tendance d’une vie, ou de plusieurs ? Perdue ici, la retrouverai-je ailleurs ?

 

Elle était de celles qui font naître la force dans le cœur des hommes, qui les poussent à se dépasser, qui, d’un simple désir à peine évoqué, leur donnent la volonté nécessaire à sculpter la réalité pour que ses fantasmes ne restent point éthérés. Sa voix passait du baume sur le cœur et faisait naître un sourire sur les oreilles. Ses gestes, simples, parfois presque enfantins, lui conféraient cette aura de pureté et d’innocence mêlés d’insouciance. L’espoir de sa présence libérait toujours cette exquise quantité d’adrénaline suffisante à faire pousser des ailes pour la rejoindre. Et elle était d’autant plus désirable qu’elle n’en avait pas l’air…

 

Les larmes sont fugaces, les âmes sont éternelles. Elles survivent à la chair et perdurent en révolutions infinies dans le sasāra.

 

Elle apparaissait commune au premier abord, c’était certainement son plus précieux don. Je l’ai rencontrée d’une manière tout à fait banale, le hasard, le destin, ou les actions antérieures de nos vies nous ayant regroupés dans la même classe. Deux êtres insignifiants dans la valse des unicités individuelles de l’école, deux êtres qui n’avaient de notable à première vue que l’immense probabilité de ne jamais se croiser dans les couloirs de ce lieu d’apprentissage. Mais si on y inculque le savoir, le raisonnement et la connaissance, la vie s’y apprend néanmoins, sinon par un mécène, du moins par soi-même. Une des leçons en est que les affinités rapprochent.

 

Je n’en ai pas le souvenir, mais peut-être l’avais-je déjà croisée avant. Je n’en aurai pas le souvenir, mais j’espère la rencontrer de nouveau lorsque des cendres je reviendrai.

 

Elle était ainsi une élève parmi d’autres, qui n’éveillait en moi aucune animosité, non plus que d’intérêt particulier. Seulement ce respect accordé par défaut à tout être humain, avant que preuve ne soit fournie qu’il faille s’y fier ou s’en défier. Nous avions néanmoins ce point commun consistant au fait que, embarqués dans cette lutte rangée entre professeurs et professés, nous faisions front dans le même camp. Ce combat quotidien nécessite des interactions, et le travail de concert pour vaincre ces chefs d’orchestre voulant nous dresser à la baguette, engendra inéluctablement des moments de partage d’ordre professionnel et de désordre privé, qui me firent découvrir sa véritable nature.

 

À défaut de s’enlacer ici, tournons-nous dans l’ère du temps ? Car ma conviction est qu’on ne peut s’en lasser, de virevolter avec l’être aimé.

 

On connaît l’autre en partageant ses désirs, ses envies, ses rêves. Ses craintes, ses doutes, ses peurs. Ses conventions, ses conceptions, ses convictions. Si l’on y adhère, on fait naître l’étincelle qui embrase l’amitié ; si l’on s’entretient, le feu est alimenté. Point ici de coup d’éclat, de coup d’éclair, de coup de foudre, mais brindilles, petit bois, branches, sans embûches jusqu’à la souche. C’est ainsi que je la découvrais, et que le brasier petit à petit grandissait. L’école facilitait, tous les jours je la voyais. Elle était devenue ma principale motivation pour enfourcher mon destrier et la retrouver. Elle pouvait me demander n’importe quoi, j’accourais. Qu’il pleuve, vente, grêle, n’ai-je, ne fût-ce qu’une fois, renoncé ? Non : comment se passer de sa muse ? Elle pouvait, d’une phrase, d’un mot, faire naître idées, images et nations, débordante qu’elle était d’imagination, d’interrogations, de remises en questions. Elle nourrissait mon esprit, colorait vivement mon monde jusqu’alors pastel, me faisait rayonner à voir étinceler de réflexions les gouttes de pluie d’une sombre nuit d’hiver. Les lèvres brillantes, un éternel sourire aux yeux, elle pouvait, d’une pirouette, me faire chanceler dans cet état endorphique qu’arborent les ahuris heureux, errant l’air radieux, même parmi ravines et rapines, qui ne sauraient leur ravir leurs rêves. Elle avait eu ce talent de faire naître en moi non pas cette passion dévorante qui consume les liens et délivre rapidement, mais bien cette fusion qui démarre doucement et s’alimente d’elle-même, cette fusion qui prend le temps d’ancrer les sentiments, de les développer, les sublimer, cette fusion qui vous fait découvrir ce qu’est véritablement l’amour…

 

Certains karmas seraient liés. Deux êtres unis ainsi se retrouveraient vie après vie. Tantôt mère et fils, tantôt frère et sœur, amis, ou amants.

 

Elle était ma plus puissante source d’émotions, pouvant me faire passer en un instant de la plus profonde des montagnes à la plus élevée des fosses océaniques. J’étais incapable de me passer d’elle, elle était la drogue la plus addictive que j’aie croisée. Mes rêves étaient remplis d’une maison calme, entourée de verdure, entre magnificence des montagnes et puissance de l’océan, et peuplée d’elle et de nos enfants. Qu’il eut fallut mourir pour quelqu’un, ç’aurait été pour elle. Elle m’avait fait découvrir l’alter-égocentrisme, je ne pensais plus en moi, mais me projetais en elle, en nous. C’était une période de grandes joies et de petites tristesses. Mais alors que le mien lui était acquis, son cœur était déjà pris.

 

Si ce n’est dans celle-ci, ce sera dans une autre vie. Peu importe le temps, je la retrouverai en amant. Le nirvāna attendra, je reste dans le sasāra.

 

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O
<br /> <br /> Certes oui ... hum ... on m'a souvent complimentée sur ma capacité à faire semblant de rien comprendre. Chacun ses talents ^^ ...<br /> <br /> <br /> (sinon, non-non je ne me posais pas la question... ^^')<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Ouais, et tu faisais semblant de rien comprendre... Pff, je te jure ;) !<br /> <br /> <br /> (Bon, sinon, rien à voir, au cas où tu te poses la questions !)<br /> <br /> <br /> <br />
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O
<br /> <br /> A la fois simple et tellement compliqué, épuisant et vivifiant... comment définir de telles associations d'abimes et de cimes?<br /> <br /> <br /> Je souhaite bien sur que tout le monde ai connu de telles séismes intérieurs!<br /> <br /> <br /> Tiens d'ailleurs ça me rappelle une discution entre deux cours à base de "dis le moi!" & "moi" ^^ ...<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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